Glimmer. Lueur, petite idée dans son sens littéral ou sinon, dans ce contexte, capsule du quotidien comme le définit la créatrice du terme, une autrice américaine nommée Pam Houston. Ses nouvelles et romans sont, pour beaucoup, construits sur ces “lueurs” du quotidien et sa capacité à les décortiquer, les approfondir et les retranscrire au travers de fictions. 

L’intérêt de capturer ces instants de vie ? Nourrir à la fois nos récits et notre imaginaire, prêter attention à nos quotidiens et (re)découvrir la richesse de nos vécus. De ce qui nous entoure. C’est aller chercher l’inspiration sur le pas de sa porte, dans le bus, en voyage. C’est miser sur la réalité et tout ce qu’elle peut déployer de créativité chez un auteur. 

Pourquoi miser sur le quotidien en écriture 

  1. L’un des meilleurs exercices d’écriture

Par manque d’inspiration, par besoin d’un cadre, par simple envie de prêter attention à des fragments de vie, se concentrer sur le repérage et la fictionnalisation de glimmers est un excellent exercice d’écriture. Cela permet d’abord de formaliser les moments du quotidien qui nous interpellent, qui ont une résonance au-delà de notre simple expérience. Puis de les travailler de manière à en dégager un récit où réalité et fiction brouillent les frontières et captivent le lecteur. Pour Pam Houston, cela revient à connaître le monde de la manière dont nos personnages l’expérimentent, et donc d’être un auteur empathique. 

  1. Une connexion entre poésie et fiction

Encapsuler des “lueurs” du quotidien — une conversation à la boulangerie, une scène vécue en famille, une réplique entendue dans la rue — permet de connecter son écriture à un univers poétique d’autant plus aisément que la visualisation y joue un grand rôle. C’est une attention accrue au quotidien pour mieux entrevoir sa magie, ses contradictions, sa beauté, ses distorsions ; donc d’envisager son vécu quotidien autrement, en lien direct avec la technique de défamiliarisation

  1. Une base pour un projet d’écriture

Pam Houston use beaucoup des glimmers pour construire ses œuvres. Des mois ou des années durant, elle accumule dans des carnets des capsules de son quotidien avant de les relire et d’étudier si une cohérence émerge de l’ensemble. C’est souvent le cas où un projet de roman ou de recueil de nouvelles émerge des dizaines de glimmers collectées. 

C’est un type d’écriture fragmentaire que de nombreux auteurs adoptent, à l’instar de Bernard Fauren.

À force de retranscrire ces “lueurs”, on développe notre capacité à appliquer cette méthode à nos personnages au sein de nos récits. Les détails, les repères, les indices donnés au lecteur ont souvent plus de poids lorsqu’ils sont donnés par les personnages au travers de leur vécu. Et ils peuvent le faire parce qu’ils prêtent attention à ce qui les entoure. 

Un exemple ? L’une des nouvelles de Pam Houston, issue de glimmers, présente une narratrice coincée dans un avion dont la descente sur l’aéroport est très chaotique en raison d’une tempête. Malgré la situation stressante, elle prend le temps de noter que le pilote est “a language guy”. Qu’elle note ce détail en révèle beaucoup sur la narratrice elle-même. 

Une astuce ? Notez vos glimmers dès que possible, même si ce n’est pas forcément sur l’instant. Pam Houston profite de trajets longs, en avion ou en train, pour retranscrire plusieurs épisodes qu’elle a retenus de semaines passées et qui, avec le temps, lui sont restées en tête. Donc qui valent la peine d’être notés.

Recommandations dans l’usage des glimmers en écriture

Pam Houston recommande de ne pas se focaliser sur des questions de signification pour les moments du quotidien collectés. Ce que cela signifie, dans quelle direction le récit doit aller et comme cela doit se terminer : elle tient à distance ces questionnements lors de ses premières sessions d’écriture car elle apprécie qu’une “lueur” du quotidien dévoile son sens au fur et à mesure. Si le thème d’une glimmer est trop évident, sa portée sera bien moins importante chez le lecteur. 

the slow revealing of the why for a glimmer; a glimmer shouldn't be too obvious in its meaning.”

Comment tirer un récit de capsules du quotidien ? 

Quelques éléments méthodologiques peuvent aider à tirer quelque chose de ces instants du quotidien, isolés de votre vécu et posés sur le papier. 

  • Tentez d’en faire émerger un sens commun, un arc narratif, une cohérence après avoir relu avec attention chaque glimmer 
  • Réduisez chaque glimmer à l’essentiel, retirer tout ce qui n’est pas nécessaire 
  • Fusionner des personnages, combinez les personnes et les situations et, si besoin, accentuez les divergences pour créer des tensions.

Mon expérience d’auteure en devenir 

La découverte des glimmers a d’abord eu pour bénéfice de me faire prêter plus attention à mon quotidien en tant qu’auteur. De fait, je l’ai expérimenté comme une réconciliation de deux mondes : celui de mon vécu ordinaire, de mon emploi dans le privé, avec celui de l’écriture et de moments de solitude que je m’accorde pour travailler à mon roman. Prêter attention et noter des glimmers régulièrement, sans que cela soit forcément très fréquent, me permet de ne pas être dans une dichotomie d’expériences mais bien de jeter un pont entre mon monde quotidien et mon monde d’auteur et de développer mon empathie d’écrivaine, petit à petit. 

Je dois aussi avouer que j’apprécie l’exercice de tenir une sorte de carnet et de sentir que j’accumule de la matière pour de futurs récits.