La tentation du nihilisme planerait-elle sur Je suis auteur, pourvoyeur de conseils précieux sur l’art narratif dont le titre de cet article conduirait inévitablement à l’auto-dissolution ? N’ayez crainte, chers auteurs en devenir : point de pulsion destructrice ici, juste un peu de poil à gratter. Et qui sait, des conseils en contrebande se cacheront peut-être entre les lignes…

Confessions d’une accro aux recommandations  

J’ai dévoré Stephen King, suivi religieusement Le Chemin de l’artiste, sué sur un plan imbattable, bu les paroles des Bookmakers. On peut dire que j’aime me renseigner sur l’écriture, la créativité, et les parcours des auteurs. 

Cela me nourrit, sans aucun doute. Déjà parce que je suis quelqu’un d’assez théorique, du genre à lire une philosophie du roller avant d’enfourcher les patins. Ensuite parce que dans l’écriture solitaire qu’est l’écriture, il est toujours bon de se créer une communauté, même imaginaire. 

Mais au moment d’écrire, est-ce que cela m’aide ? Dois-je plancher sur un plan détaillé, ou dévier au fil de la plume ? Achever le premier jet sans jamais me relire, ou ne pas passer au chapitre suivant tant que celui que j’écris n’est pas nickel ? Écrire mille mots par jour minimum ou privilégier la qualité à la quantité ? Facile de se sentir perdu, voire découragé.

Connais-toi toi-même 

Zut, c’est un conseil. Et un vieux, par-dessus le marché. Mais il s’applique à merveille aux créatifs de tous bords. Écrire, cela s’apprend. Mais il n’y a pas de formule magique, et le processus est loin d’être linéaire. 

J’ai écrit 1666 mots par jour. J’ai découvert que je pouvais écrire, avec plaisir, plusieurs heures par jour. Le résultat n’était pas toujours fameux, mais ce n’était pas l’objectif. Finalement, mes sessions d’écriture durent rarement plus d’une heure trente (non, on ne se compare pas avec les auteurs qui restent enchaînés à leur bureau jusqu’à trouver le mot juste).

J’ai suivi la méthode Pomodoro, j’ai caché les réveils. J’ai écrit sur des cahiers, j’ai malmené mon clavier. J’ai écouté du Bach, du rock, de la techno, le ronronnement du réfrigérateur. Je me suis posée dans mon petit bureau dos à mon lit, j’ai squatté des tables de café. 

Une seule règle a émergé : la tranche d’écriture est dédiée exclusivement à … l’écriture. Si vous êtes à votre meilleure forme créative quand les notifications résonnent à vos oreilles et que vous attendez un mail professionnel toujours-très-important, contactez-moi. Votre cerveau m’intéresse. 

Un rituel désacralisé

J’ai fini par trouver mon rythme de croisière dans le grand fleuve intranquille du manuscrit. J’écris le matin, par plages d’une heure ou deux. Interdiction d’ouvrir les messageries avant… d’estimer que j’ai assez écrit et que je reprendrai le lendemain. Pas de comptes de mots, pas d’objectifs. Si j’ai envie d’écrire à la main ou de travailler le plan (si on peut appeler plan une forêt d’idées en vrac et de points d’interrogation), je le fais. 

Certains matins je n’ai pas envie de m’y mettre, je suis énervée sans même comprendre pourquoi. Je m’installe à mon bureau trop petit, sans place pour déplier les jambes, et je sens mon cœur battre plus vite, pas prête à me confronter au lion de l’imaginaire. Je perds l’aspect ludique. Le rituel est devenu trop fort. Mais c’est aussi l’habitude qui rend impossible de ne pas écrire. 

L’inspiration et la transpiration

Attention, moment mauvaise foi. J’ai dit de ne pas suivre les conseils, pas de ne pas s’en inspirer. Je continuerai de lire des textes sur l’écriture, parce que j’aime ça. Et parce que je vois toutes ces idées comme une grande base de données dans laquelle je peux piocher en fonction de l’humeur et des besoins du projet. 

Finalement, le seul conseil valable, celui qui résume tous les autres, est simple. Tellement simple qu’il en devient décevant (et ne ferait pas vendre un seul livre de développement personnel). D’une implacabilité qui effraie les procrastinateurs et autres indécis.

Si vous voulez écrire, écrivez.